1876 – 2022
146 ans d'histoire(s) d'un café d'artistes
En 1855, Auvers-sur-Oise est un pittoresque bourg rural, au cœur du département Seine-et-Oise (78). Le village et ses hameaux, paisiblement étirés le long de l'Oise, sont dominés par de vastes cultures, qui couvrent à perte de vue le plateau du Vexin français.
Avec ses quelques deux milles habitants, Auvers est aussi un chef-lieu de canton animé, qui attire commerçants et artisans. Paris n'est qu'à trente kilomètres, distance que l'on parcourt en une heure à peine en chemin de fer. En effet, depuis 1846, une douzaine de trains relie chaque jour Auvers à la capitale.
La municipalité vient de faire empierrer la grand-route de Pontoise. C'est là qu'un maître-maçon, originaire du village, construit sa maison, à quelque distance de l'ancien Manoir des Colombières. Son nom est Auguste Crosnier. Il vient d'épouser Adélaïde Caffin, couturière. Le jeune ménage est sans doute modeste : par mesure d'économie, le maçon récupère de vieux matériaux. Il réutilise même certains pans de murs d'une construction bien plus ancienne, qui remonte à la fin du XVIIIe siècle.
Auguste Crosnier a bien choisi son emplacement. Quelques années plus tard, la mairie du village dresse ses murs blancs, son toit d'ardoise et son clocheton, en face de sa maison. Le bâtiment municipal sert aussi d'école primaire. L'instituteur y habite. La poste, qui dispose déjà du télégraphe, est toute proche. Autour de la place, des commerçants tiennent boutique, chez qui on peut se procurer les nouveautés de Paris. C'est là aussi que, chaque jeudi, paysans et éleveurs se retrouvent pour le marché aux bestiaux : on imagine l'animation !
Quoi de plus naturel qu'un café ouvre ses portes sur cette place, qui devient le cœur du village ? Dès 1876, Valentine, la fille encore mineure d'Auguste Crosnier, et son mari Alfred Levert créent un commerce de vins dans la maison.
Alfred Levert est le fils d'un cabaretier auversois qui est aussi arpenteur et il sait faire prospérer son commerce.
En 1884, il commande des travaux d'embellissement de la façade du "Café de la Mairie". Sous une enseigne peinte en lettres élégantes, une large devanture vitrée attire désormais les clients.
Le café devient alors un lieu agréable, où viennent sans doute les peintres, qui travaillent au village et aux environs. Charles-François Daubigny habite Auvers, où Paul Cézanne a travaillé deux ans. Honoré Daumier réside dans le village voisin de Valmondois et Camille Pissarro est à Pontoise.
De nombreux jeunes peintres viennent, par le train, prendre leçons et conseils auprès des maîtres de l'Impressionnisme.
En dehors des jours de marché, la clientèle se compose surtout des artisans – menuisiers, maçons, forgerons – des ouvriers des ateliers du voisinage et des nombreux journaliers employés dans les fermes du village. Comme la plupart des auberges d'Auvers, le café de Levert offre quelques chambres meublées aux hôtes de passage, voyageurs de commerce, artistes et citadins en villégiature.
En 1889, Monsieur et Madame Levert cherchent un gérant pour exploiter leur fonds. Ils finissent par s'entendre avec un certain Monsieur Ravoux, qui prend l'auberge à bail. Il lui laissera son nom.
Né à Paris en 1848, Arthur Gustave Ravoux a exercé plusieurs métiers dans le passé : boucher, puis blanchisseur à Rueil, plus tard charcutier et volailler à Aubervilliers, avant de s'installer en Seine et Oise, à Menucourt…
Sa corpulence, son visage rond et sa moustache fournie évoquent un bon vivant. L'amabilité se lit sur ses traits. De petites lunettes rondes et un front haut et dégarni donnent un caractère sérieux et respectable au nouveau patron de l'auberge. On le dit d'un commerce agréable, et ses conseils sont appréciés.
Il lui arrive cependant de s'emporter quand on le contredit. Cela arrive d'ailleurs plus d'une fois, surtout s'il évoque ses souvenirs de la guerre de 1870, un peu trop longtemps au goût de son public …
Arthur Ravoux est accompagné de toute sa famille. Louise, son épouse, est une femme encore jeune, une jolie brune, dont la mise trahit une certaine coquetterie. Sa fille aînée, Adeline, est une adolescente de treize ans et la cadette, Germaine, un bébé âgé d'un an.
Le fonds qu'il prend en gérance comprend alors une grande salle carrelée et décorée de fresques. Une frise à fond rouge sombre et un motif champêtre et rinceaux de feuillages égaient les murs. Deux portes ouvrent sur la devanture : à gauche, le commerce de vins ; à droite, le café.
Dans le mur du passage sont scellés de gros anneaux de fer. Les clients y attachent leurs attelages.
A l'intérieur de l'Auberge, pas de banquettes, contrairement à ce que l'on voit dans les brasseries de Paris, mais de robustes tables de bois et des chaises de paille, où s'installent les clients.
Les apéritifs anisés ou l'absinthe sont connus, mais, par tradition, on boit surtout du vin. A la fin du XIXe siècle, le vin est encore considéré comme un aliment de base, tout comme le pain. La consommation est considérable, depuis l'aube jusqu'au coucher du soleil…
A l'Auberge Ravoux, comme dans les guinguettes des berges de l'Oise ou de la Seine, si souvent peintes par Charles Daubigny, Auguste Renoir et Claude Monet, on apprécie les petits vins frais. Les crus locaux d'Argenteuil ou le "ginglet" des coteaux de l'Oise connaissent une faveur particulière. Leur qualité est inégale mais, au moins, il n'y a pas de mélanges douteux, comme c'est le cas pour les mauvais vins servis à Paris. Transportés par chemin de fer, les vins de Bourgogne et du Beaujolais sont, eux aussi, bus avec plaisir.
A la tombée du jour, les clients peuvent s'attarder autour du grand billard, fierté de la maison. Le père Ravoux quitte son petit comptoir, couvert d'étain, pour allumer les suspensions.
En hiver, un gros poêle ronronne. Dès les beaux jours, on aime prendre le frais devant l'Auberge.
Quelques tables de fer permettent aux clients de profiter de l'ombre des arbres qui bordent la rue. C'est là que le père Ravoux se fait photographier en 1890.
L'arrière-salle, comme l'écrira sa fille, Adeline, est alors "
abandonnée aux artistes" qui logent à l'Auberge.
Ils y terminent parfois leurs tableaux. Ces pensionnaires possèdent la clé de la porte qui donne sur le passage. Ils empruntent l'escalier de bois, étroit et faiblement éclairé par un œil-de-bœuf, pour monter à leurs chambres.
Quatre d'entre elles sont situées au premier, trois autres au second, sous le toit, à côté du grenier.
Le confort est encore rudimentaire : un lit, une chaise, une petite commode ou un placard pour ranger les effets. Pour la toilette, une cuvette et un broc suffisent. L'eau courant n'existe à Auvers qu'aux fontaines publiques, alimentées depuis 1883 par la Compagnie Générale des Eaux. Chez Ravoux, il faut encore la pomper au puits, situé dans la cour, derrière l'auberge.
Le 20 mai 1890, le train de Paris s'immobilise en gare d'Auvers. Mêlé aux voyageurs du pays, un peintre hollandais en descend. Van Gogh compte rester un moment à Auvers où habite le Docteur Gachet, médecin que Camille Pissarro avait recommandé à Theo van Gogh.
Au visiteur, Ravoux propose la petite chambre qui donne sur le palier du second étage. Elle est éclairée par une lucarne percée dans le toit. La chambre ne coûte que 1 F par jour et les repas sont facturés 2,50 F par jour.
A Auvers, qui compte alors une bonne dizaine d'auberges, d'autres établissements plus confortables proposent des chambres à 6 francs. On en trouve aussi de moins chères.
L'Auberge est coquette, bien tenue. Soucieux de ménager son argent, Vincent van Gogh décide de s'installer
"provisoirement, chez Ravoux". Plus tard, lorsque ses meubles seront arrivés d'Arles, il pourra chercher un atelier dans le village.
Ce même printemps, un autre peintre s'installe chez Ravoux. Il est lui aussi d'origine hollandaise. Theo lui a peut-être indiqué l'adresse de Vincent. Il habite au second, dans la chambre voisine de celle de Vincent. Jeune, de caractère enjoué, il semble peindre par amusement plutôt que par passion véritable. S'il apprend peu à peu le métier, comme l'écrira Van Gogh, Anton Hirschig ne laissera guère de trace dans l'histoire de l'art.
Celui que les Ravoux appellent "Monsieur Vincent" devient vite familier de l'Auberge. Il paraît satisfait de son ordinaire et se montre accommodant, sobre et amical.
Mais il ne vit que pour la peinture. Chaque matin, Van Gogh quitte l'auberge avec son attirail, pour aller peindre dans le village ou dans les champs. De retour chez Ravoux, il prend la plume pour écrire de longues lettres. Peu liant, il aime pourtant jouer le soir avec le bébé Germaine : sur une ardoise, il dessine pour elle le marchand de sable…
La famille Ravoux ignore sans doute qu'il rend parfois visite au Docteur Gachet. Nouveaux venus à Auvers, ils n'ont guère eu l'occasion de faire la connaissance du docteur, qui n'exerce d'ailleurs pas dans le village. Peut-être sont-ils surpris le jour où il vient admirer les toiles de Vincent à l'Auberge Ravoux…
Celui-ci semble se plaire chez Ravoux : il espère même que son frère et sa famille viendront le rejoindre pour les vacances. La campagne d'Auvers est tellement plus proche que la Hollande et plus agréable que Paris ! Vincent est tombé d'accord avec les Ravoux, qui pensent que son neveu grandirait mieux à la campagne, où l'air est meilleur qu'à Paris. Il s'empresse de l'écrire à son frère, mais ce projet n'aura pas de suite. Tandis que s'avance l'été, chaud et orageux, la vie paraît donc paisible chez Ravoux.
Pourtant, le dimanche 6 juillet, après une journée passée à Paris chez son frère Theo, Van Gogh rentre à l'auberge, fatigué et tendu. Rien n'indique encore le drame qui se jouera dans quelques semaines. A cette époque, Arthur Ravoux a sans doute d'autres sujets d'inquiétude que le moral de ses pensionnaires. Alfred Levert a en effet décidé de vendre les murs de l'Auberge. L'acheteur est un certain Monsieur Delépine, propriétaire terrien à Butry, hameau alors rattaché à Auvers. La vente a lieu le 8 juillet 1890, mais heureusement, rien ne change pour Ravoux, qui continue à exploiter l'auberge.
C'est dans l'après-midi du 27 juillet que Vincent, parti comme chaque jour dans la campagne, se blesse grièvement d'une balle dans la poitrine, dans les champs de blé, derrière le parc du château de Léry.
Malgré sa blessure, il parvient à rentrer à l'Auberge.
Il passe sans mot dire devant les maîtres de maison, attablés après le dîner et gagne sa chambre.
Peu après, Arthur Ravoux l'entend se plaindre. Inquiet, il monte au second et découvre le drame. Appelés d'urgence, le Docteur Gachet et le médecin du village lui donnent quelques soins.
Pour le Docteur Gachet, il n'y a guère d'espoir. Il est naturellement hors de question d'opérer le blessé sur place. Quant à le transporter à l'hôpital de Pontoise, les cahots de la route ne feraient qu'empirer son état. Vincent repose sur son lit, fumant sa pipe, que le Docteur Gachet lui a permis d'allumer, malgré la blessure.
Il fait chaud sous les toits, tandis qu'on veille le blessé. Anton Hirschig reste un moment à son chevet et échange quelques mots avec lui. Puis il va se coucher dans la chambre voisine. Il entend Vincent gémir toute la nuit.
On imagine la tristesse mais aussi l'embarras de Ravoux ! Il faut prévenir les proches du blessé et les gendarmes, puisqu'il y a eu blessure, sans doute mortelle.
Dès le lendemain, ceux-ci arrivent de Méry pour mener leur enquête. D'un ton bourru, le brigadier, nommé Rigaumont, interroge Vincent : pourquoi a-t-il commis ce suicide ? Faible mais encore lucide, Van Gogh affirme qu'il s'est lui-même blessé. Puis il se tait, refusant de répondre aux autres questions du gendarme. Celui-ci doit se résoudre à repartir sans en savoir plus.
Vers midi, un autre visiteur se présente chez Ravoux : c'est Theo, prévenu par un message du Docteur Gachet. Hirschig le lui a déposé au matin à la galerie Boussod & Valadon. Il monte aussitôt rejoindre Vincent. Durant une dernière et longue soirée, les deux frères parlent ensemble. Theo veut encore croire que son frère guérira.
"La tristesse durera toujours", répond Vincent.
Dans la nuit, à 1h30, Vincent van Gogh meurt. Au matin, Arthur Ravoux accompagne Theo van Gogh à la mairie pour la déclaration de décès. Vincent n'avait que trente-sept ans et peignait depuis dix ans à peine.
Lorsqu'il arrive le lendemain à Auvers, l'un des meilleurs amis de Vincent, le peintre Emile Bernard, trouve le cercueil déjà clos, posé sur le billard. Les dernières toiles de Vincent l'entourent et forment, selon Emile Bernard
"comme une auréole" en hommage à Vincent. Le 30 juillet 1890, Arthur Ravoux assiste à l'enterrement de Vincent, aux côtés de Théo, du Docteur Gachet, des peintres Emile Bernard, Charles Laval, Lauzet et Lucien Pissarro, ainsi que de quelques amis comme André Bonger, frère de Johanna van Gogh, ou le "père" Tanguy, son marchand de couleurs.
Sur le chemin du cimetière d'Auvers, qui serpente vers les champs de blé, ils suivent tristement le corbillard, prêté par le village voisin, Méry-sur-Oise, car le curé d'Auvers, l'abbé Tessier, a refusé le sien à un suicidé.
Après l'enterrement, Theo, profondément peiné, propose aux amis de Vincent de garder quelques toiles en souvenir de son frère. Celles que le Docteur Gachet emporte alors forment l'essentiel des donations faites par son fils et sa fille au Musée du Louvre, aujourd'hui exposées au Musée d'Orsay.
Pour sa part, Arthur Ravoux décline la proposition. Il ne conserve que les deux tableaux que Vincent lui avait déjà offerts, tous deux peints à l'Auberge : le portrait d'Adeline en robe bleue, et la vue de la mairie le 14 juillet. Bien plus tard, alors qu'il réside à Meulan, il cède les deux tableaux pour 40 F à un groupe de peintres qui disent connaître l'œuvre de Van Gogh.
C'est l'heure des adieux : Theo emballe les affaires de Vincent, offre un dernier cadeau à la petite Germaine Ravoux, en remerciement de tout ce que ses parents ont fait, puis s'en retourne à Paris. Il ne reviendra jamais à l'Auberge : six mois plus tard, en effet, il meurt en Hollande. En 1914, sa veuve le fera enterrer à Auvers, aux côtés de Vincent.
Chez Ravoux, la tristesse ne dure qu'un temps. Le 19 juin 1892, un événement heureux survient à l'Auberge, avec la naissance d'une dernière fille, Olga Réjane. Pourtant, huit mois plus tard, Arthur Ravoux et les siens quittent le village. Ils s'en vont tenir une grande brasserie à Meulan. Un autre gérant, nommé Leleu, lui succède. Dans les rues d'Auvers, des réverbères à gaz sont installés en 1894. Longtemps attendu, le téléphone arrive enfin en 1902. En dehors de la poste, qui possède une cabine, les seuls abonnés sont quatre notables du village.
Au début du XXe siècle, la devanture de l'Auberge est remise au goût du jour : celle qu'a connue Van Gogh disparait alors. L'ancien
commerce de vins et restaurant demeure le café du village. On aime s'y réunir autour d'un verre, pour une partie de cartes, ou une conversation amicale.
Mais la Grande Guerre et les nouveaux courants intellectuels et artistiques ont sonné la fin de l'âge d'or de la peinture auversoise : les peintres fréquentent les cafés de Montparnasse…
Entre les deux guerres, les promoteurs commencent pourtant à affluer : l'œuvre de Van Gogh attire déjà historiens d'art, photographes ou simples passionnés. Accueillis par la famille Blot, qui a baptisé le café
A Van Gogh, ils peuvent visiter la chambre de Vincent.
L'Auberge Ravoux aurait pu connaître le sort de tant de cafés qui, avec le temps, perdent leur âme. Après la Libération, le café change plusieurs fois de mains en quelques années. Le bâtiment se dégrade et la maison n'a pas bonne réputation. Bien qu'une plaque, posée sur la façade en 1946, rappelle le souvenir de Vincent, une décoration sans âme dénature la vieille salle.
Heureusement, l'Auberge est reprise en 1952 par Roger et Micheline Tagliana. Certes, les débuts sont difficiles. L'enthousiasme et la chaleur humaine compensent le manque de moyens. L'ancienne Auberge Ravoux redevient un lieu vivant et animé.
Grâce à Adeline Ravoux, qui revient en 1954 sur les lieux de son enfance, la chambre de Van Gogh peut être reconstituée. Nombreux sont déjà ceux qui viennent rendre hommage à Vincent.
Lieu de rencontre d'un groupe de peintre d'Auvers, l'Auberge renoue aussi avec la vieille tradition des cafés d'artistes. Emu par l'authenticité du lieu, le cinéaste Vincente Minnelli y tourne
la vie passionnée de Van Gogh avec Kirk Douglas dans le rôle de Vincent. Le souvenir de ce tournage a marqué bien des habitants d'Auvers…
L'atmosphère conviviale de la Maison Van Gogh attire aussi des intellectuels comme André Malraux ou des artistes comme Zadkine, Poliakoff et Pignon, qui aiment s'y retrouver. Des expositions de tableaux sont organisées, dont une rétrospective de l'œuvre d'Emile Bernard en 1960. Le compositeur Iannis Xenakis y créé même une œuvre !
Cependant, après avoir passé trente-cinq ans derrière les fourneaux, Madame Tagliana, devenue veuve, aspire à une retraite bien méritée. Elle cherche un acquéreur pour son auberge, classée monument historique depuis 1985.
Si les collectivités publiques ne donnent pas suite, plusieurs offres lui parviennent : hommes d'affaires, collectionneurs ou grandes sociétés désirent acquérir la Maison de Van Gogh.
Pour Micheline Tagliana et sa fille Régine, le respect de l'esprit des lieux est essentiel. Elles accordent leur confiance au projet de sauvegarde et d'animation qui leur est présenté par D.C. Janssens, placé sous le signe du maintien de la double vocation de l'auberge, café d'artistes et espace culturel. En octobre 1986, Micheline Tagliana fait ses adieux à la Maison de Van Gogh, entourée de tous ses amis.
Acquise en 1987, l'Auberge Ravoux est protégée des intempéries par une bâche, qui l'enveloppe complètement. Elle reproduit le dernier autoportrait de Vincent. Plus que centenaire, la vieille bâtisse a en effet besoin d'une restauration approfondie. Plusieurs années d'études sont nécessaires avant le démarrage des travaux en janvier 1992. Sous-sol et mur, planchers et toitures sont soigneusement auscultés, sondés, confortés.
Après un patient travail de recherche en archives, d'études stratigraphiques ou d'analyses chimiques poussées, son aspect, son aménagement et même ses couleurs d'origine sont retrouvés. Chaque détail est étudié avec soin, afin de garder son âme à la Maison de Van Gogh, tout en permettant l'accueil du public dans les meilleures conditions. Entreprise complexe, le projet de restauration est placé sous la direction de Bernard Schoebel, Premier Grand Prix de Rome et Architecte en Chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux.
Quant aux méticuleux travaux, ils ne pouvaient être confiés qu'à des artisans hautement qualifiés, passionnés par leur métier. C'est ainsi que les techniques les plus modernes de sauvegarde et le savoir-faire des Compagnons du Devoir sont mis à contribution, afin de rendre tout son charme à l'Auberge Ravoux.
A l'issue de vingt mois de chantier, l'Auberge Ravoux accueille depuis le 17 septembre 1993 tous les passionnés de Van Gogh. Cette restauration a permis la sauvegarde d'un monument historique unique au monde car l'Auberge Ravoux demeure l'une des rares maisons où Van Gogh ait vécu, qui soit parvenue intacte jusqu'à aujourd'hui.
Ce n'est cependant que la première phase d'un projet culturel à long terme. Son ambition est de réaliser le dernier rêve de Vincent van Gogh, qu'il confiait à son frère Theo dans une lettre écrite, à l'Auberge Ravoux, le 10 juin 1890 : "un jour ou un autre, je crois que je trouverai moyen de faire une exposition à moi dans un café".